Initiation aux rhums - Compagnie des Indes

Description de la séance

Liste des vins

Compte-rendu de la séance

À l’ŒNS comme dans beaucoup de club œnologiques, rares sont les séances consacrées entièrement aux spiritueux. Pour un certain nombre de membres du club, c'était la première fois que nous faisions une dégustation complète de rhums, et nous ne l’avons pas regretté. Notre intervenant pour cette séance au club n’était autre que Florent Beuchet, qui dirige la marque tout en faisant du négoce dans d’autres alcools. Florent, absolument passionné par son sujet, nous explique comment on élabore un rhum tout en faisant des excursus dans le monde des navires marchands coloniaux et des pirates des mers du Sud.

Amateurs de vins et novices en matière de rhums, nous reconnaissons pourtant des notions familières : d’abord celle de terroir, puisque la canne à sucre en subit l’influence comme tout produit agricole ; ensuite celle de méthode d’élaboration. Florent préfère appeler ses alcools des « rums », pour les différencier des rhums agricoles faits à base de jus de canne à sucre : ceux de la Compagnie des Indes sont tous des rhums traditionnels à base de mélasse ; leurs arômes, grâce aux différences de climat, de levures, de procédé de distillation, enfin d’élevage en fût, sont d’une extrême diversité. Le taux de sucre ajouté est au moins trois fois inférieur à celui des grandes marques, quand il n’est pas nul, ce qui exacerbe les parfums corsés et originaux du rhum au lieu de les masquer sous un arôme uniforme et consensuel. La particularité de la Compagnie des Indes est d’embouteiller un certain nombre de single casks, des rhums d’exception tous issus du même fût sélectionné avec soin par Florent, qui les fait vieillir d’abord sous leurs latitudes tropicales d’origine, puis en Europe, dans un climat tempéré qui ralentit l’imprégnation du bois.

Caraïbes :
Nous commençons par un blend relativement classique de terroirs d’Amérique latine : 50 % Trinité, 25 % Barbade, 25 % Guyane anglaise, avec une dose sensible de sucre (15 g/L). C’est un rhum très plaisant et accessible, avec un nez évoquant le caramel, mais également la gomme, avec quelques notes torréfiées. En bouche, on trouve des fruits exotiques attendus comme la banane, ou plus originaux comme la mangue ; le tout est rond et flatteur.

Latino 5 ans :
Assemblage d’origines variées d’Amérique du Sud : Guatemala (60 %), Trinité (20 %), Barbade (15 %), Guyane anglaise (5 %). Le nez est très charmeur : notes de vanille, de cacao, de tabac, avec une généreuse touche d’onctuosité. La bouche est ronde, mais non sans une légère tension, avec une pointe d’amertume, des arômes d’épices et de gomme. L’ensemble est très friand, on en redemande !

Jamaïque 5 ans :
Un blend de plusieurs distilleries jamaïcaines, qui traduit donc bien l’expression de son terroir. Avec seulement 10 g/L de sucre ajouté, il se révèle plus corsé que le premier. Au nez, on détecte des notes empyreumatiques, de la fumée, de la résine, du caramel brun ; l’orange et les épices sont également présentes. La bouche est fraîche, épicée, avec aussi des nuances plus gourmandes d’amande et de banane flambée. Un beau rhum de caractère...

Jamaique 5 ans Navy Strength :
Attention, il s’agit de la version forte du rhum précédent ! Florent nous explique le terme anglais : dans la marine, chaque matelot avait droit dans sa ration journalière à une pinte entière d’alcool (!). Le seul moyen de s’assurer qu’un marin titubant ne gâterait pas les réserves de poudre à canon en renversant sa pinte de rhum dessus, c’était de faire en sorte que ladite boisson ait un tel degré d’alcool (57 % minimum) que la poudre, même mouillée, fonctionnerait encore... Le nez est plutôt onctueux, dominé par la vanille assortie pourtant de touches plus amères et végétales : on relève même de la truffe blanche. La bouche est bien relevée, avec un fruité légèrement acide : orange, ananas... Cette bouteille complexe est pour les connaisseurs.

Indonesia 10 ans :
Il s’agit là d’un batavia arrack, une sorte de rhum qu’on ne produit qu’en Indonésie grâce à une fermentation avec des levures de riz rouge endémiques. Ce premier single cask de la dégustation est donc marqué par une singularité régionale ; il est également barrel proof (non réduit à l’embouteillage, c’est-à-dire qu’il a son titrage d’alcool de sortie du fût). Au nez, on retrouve la vanille, mais assortie de notes balsamiques de résine et de gomme avec un soupçon de safran et de zestes d’agrumes ; le tableau est complété par des nuances fraîches et élégantes de terre, de foin et d’iode. On récupère en bouche des arômes végétaux qui donnent à ce rhum une très grande élégance, sans aucune lourdeur.

Barbados 16 ans :
Le rhum le plus apprécié dans cette dégustation est un somptueux single cask aux parfums capiteux et explosifs. L’ananas mûr domine, accompagné d’autres fruits acidulés (yuzu, kiwi...), que vient compenser le gras de la noix de coco et de l’amande. Une touche de cannelle se fait sentir, annonçant une bouche moins fruitée et marquée par le bois, la noix... On tient là sans conteste une des pépites de la marque !

Guadeloupe 16 ans :
Ce fût-là a bien mûri. Au nez, il n’est pas évident de le distinguer d’un bon whisky iodé. Un aspect animal, de cuir, côtoie des arômes sucrés (miel, banane mûre...). En bouche, on retrouve en finale des notes de tabac et de fumée qui révèlent un vieillissement très réussi.

Un grand merci à Florent Beuchet d’être venu de Pontarlier pour nous présenter ses meilleurs rhums en avant-première ; il se pourrait bien que nous le retrouvions autour d’autres productions dans les années qui viennent, mais n’anticipons pas, mille sabords !